Les premières références écrites concernant les pratiques manuelles se retrouvent en Égypte sur une fresque de la tombe du pharaon Ramsès II. On y voit une manœuvre de mobilisation du coude. La thérapie manuelle est également évoquée dans certains textes de cette civilisation.
En Grèce, Hippocrate, père de la médecine, né il y a environ 2400 ans, accordait une grande importance au rachis et à sa pathologie. Ses écrits témoignent incontestablement de sa pratique des manipulations qu'il devait tenir lui-même de la tradition égyptienne.
Voici quelques-unes de ses citations :"Il est nécessaire de posséder une solide connaissance de la colonne vertébrale car de nombreuses maladies sont en effet causées par un état défectueux de cet organe."
"L'art de la thérapeutique vertébrale est ancien. Je tiens en haute estime ceux qui l'ont découvert comme ceux qui, génération après génération, me succéderont et dont les travaux contribueront au développement de l'art naturel de guérir. Le médecin adroit et consciencieux doit être habile de son coup d'œil autant que de sa main lorsqu'il s'agit de corriger les déviations vertébrales du malade étendu devant lui, sur la table de traitement. Si le traitement est effectué de manière correcte, aucun dommage ne peut en résulter... Il s'agit de légères déviations des vertèbres et non de grossiers déplacements."
"Le rachis s'incurve de beaucoup de façons, même chez les gens bien portants. Il est encore susceptible de s'incurver par la vieillesse et par les douleurs. Les gibbosités par suite de chutes se produisent généralement quand le choc a porté sur les ischiums ou sur les épaules. Nécessairement, dans la gibbosité, une des vertèbres paraîtra plus élevée tandis que les vertèbres au-dessus et au-dessous le paraitront moins. Ce n'est pas qu'une vertèbre se soit beaucoup déplacée, mais c'est que chacune ayant cédé un peu, la somme du déplacement est considérable. Pour cette raison encore, la moelle épinière supporte sans peine ces sortes de distorsions dans lesquelles les vertèbres ont subi un déplacement réparti sur la courbure, mais non angulaire. Il faut disposer ainsi l'appareil de réduction : le médecin ou un aide qui sera vigoureux et non sans instruction, placera sur la gibbosité la paume d'une des mains, et mettant l'autre par-dessus, il exercera une pression, qu'il aura soin suivant la disposition des parties, de diriger soit directement en bas, soit vers la tête, soit vers les hanches. Ce mode de pression est le plus inoffensif. Inoffensive encore est la pression qu'on exerce en s'asseyant sur la gibbosité en même temps que le blessé est soumis à l'extension, et en se soulevant pour donner de l'impulsion. Rien non plus n'empêche d'appuyer avec le pied sur la gibbosité, et de donner une impulsion modérée. Quelqu'un de ceux qui ont l'habitude des palais est passablement propre à exécuter ces manœuvres."
Ces écrits se passent de commentaire et en disent long sur les méthodes structurelles employées... La médecine hippocratique devait d'ailleurs rester le fondement de toute thérapeutique manuelle pendant des siècles.
Au Moyen-Âge, le Concile de Latran en 1215 interdit la chirurgie et les techniques manuelles aux clercs en les réservant aux laïcs. Jusqu'à la Renaissance, le traitement des membres et de la colonne vertébrale devint, pour quatre siècles, le domaine exclusif des barbiers-chirurgiens.
Il faudra attendre le 18e siècle pour que la chirurgie soit réhabilitée tandis que la médecine manuelle, dévalorisée, restera entre les mains des rebouteux qui se transmettront empiriquement leur savoir manuel.
Souvent comparé au "Léonard de Vinci du Nord", Emanuel Swedenborg a laissé une marque importante dans les domaines de la science, de la théologie et de la philosophie au XVIIIe siècle. Ses recherches sur la motilité du cerveau et ses relations avec d'autres parties du corps, avancées dès 1733 dans son ouvrage "The Brain", ont jeté les bases des futures thérapies crâniennes et crânio-sacrées. Swedenborg croyait que cette motilité était liée à l'âme, ajoutant une dimension mystique à ses recherches. Ses idées ont eu un impact durable sur la médecine holistique, influençant notamment William Garner Sutherland, le fondateur de l'ostéopathie cranio-sacrée, et ses concepts de motilité et de fluidité dans le corps humain. Ainsi, le legs de Swedenborg continue d'inspirer et de guider les praticiens de médecine alternative à travers le monde.
Il faut attendre la deuxième moitié du 19e siècle pour qu'un médecin américain, Andrew Taylor Still, découvre, codifie, pratique puis enfin enseigne les bases de l'ostéopathie moderne.
Andrew Still est le fils d'un pasteur américain, pionnier du sud du Missouri en bordure d'une réserve d'Indiens. Le postulat de pasteur s'accompagnait alors bien souvent d'une compétence médicale que le père du jeune Still pratiquait couramment, sur les colons comme sur les Indiens.
Enfant, Andrew était déjà passionné par la nature et la chasse, assurant presque lui seul l'approvisionnement du foyer en gibier. Il s'intéressait alors à l'anatomie en disséquant minutieusement ses prises, ce qui fût pour lui, comme il l'écrira, une base de connaissances solide pour son métier futur de médecin chirurgien.
Pendant la guerre de sécession, il se positionne contre l'esclavage et s'engage dans l'armée pour exercer son art.
En 1853, il rencontre James Burnett Abbott, sénateur du Kansas, qui disait que quelque chose de nouveau arriverait qui compléterait l'allopathie et l'homéopathie. Still attribuera toujours à Abbott une influence profonde sur son mode de pensée.
C'est à la suite d'une épidémie de méningite qui en 1864 emporta trois de ses enfants que A.T. Still, très altéré, conçu une nouvelle approche médicale, par l'observation des bone-setters » (rebouteux de l'époque) et par intuition personnelle.
Bien qu'aujourd'hui l'ostéopathie s'appuie sur une démarche scientifique, elle est initiée sur l'encrage religieux de Still. En 1874, une vérité frappe son esprit: « un Dieu si avisé a certainement placé le remède au sein même de la demeure matérielle dans laquelle habite l'esprit de la vie ».
Still est certain que les organismes vivants ont la capacité de répondre aux agressions extérieures et intérieures. Sa démarche s'appuie sur une interrogation : quel type d'altération ne permet plus à l'organisme d'apporter cette réponse ?
Il s'attache alors à l'importance capitale de certaines notions fondamentales de physiologie, délaissées par le corps médical de son époque et qui, selon lui, déterminent l'état de santé, la résistance organique aux agressions et installation de maladies secondaires à des perturbations mécaniques qu'il qualifie de « lésions ostéopathiques ».
Se fondant sur les données hippocratiques, il développe palpation à l'extrême afin de pouvoir déterminer la moindre anomalie anatomique chez ses patients, recherchant pourquoi un individu ne pourrait plus, à un moment donné, réagir aux agressions environnementales ou intérieures et laisserait ainsi la maladie s'installer.
Ces travaux débouchent, au bout d'une dizaine d'années d'études, à la mise en place d'une médecine manuelle qu'il nomme ostéopathie et qu'il présente pour la première fois à ses confrères en 1874.
En 1892, Still fonde la première école d'ostéopathie: l'American School of Osteopathy de Kirksville, créant un diplôme de médecine ostéopathique (D.O.). Ces études reposent sur les mêmes connaissances approfondies d'anatomie et de physiologie que la médecine classique, mais s'en distingue par sa conception qui consiste à soigner la cause, et non les symptômes des troubles et maladies.
Citations de Still: La structure gouverne la fonction. Toute perturbation mécanique engendre une perturbation dans le fonctionnement de tout le métamère, quel que soit le niveau ».
L'ostéopathie viscérale trouve ses origines en Suède au 19e siècle. Brandt a développé une méthode diagnostique et thérapeutique destinée à traiter les organes de l'abdomen, en mettant particulièrement l'accent sur la sphère génitale. Cette approche comprenait des techniques manipulatives et des exercices musculaires visant à restaurer la santé des zones profondes du corps.
Les contributions de Brandt ont été reprises et développées par d'autres praticiens, notamment le gynécologue français Stapfer et Frantz Glenard, qui a contribué à l'évaluation des anomalies de fonctionnement. Au fil du temps, cette méthode a été intégrée par les ostéopathes français, qui l'ont qualifiée de branche indissociable de l'ostéopathie viscérale et gynécologique.
Ainsi, l'ostéopathie viscérale est une approche spécifique de l'ostéopathie qui se concentre sur le traitement des organes internes et de leurs interactions avec le reste du corps. Elle vise à restaurer l'équilibre et la fonctionnalité des systèmes viscéraux pour favoriser la santé globale du patient.
Dans les années 1917, sous l'impulsion de J. M. Littlejohn, un disciple de Still, la première école d'ostéopathie d'Europe, la British School, a été établie au Royaume-Uni. Cette institution a été le point de départ de la diffusion de la pratique ostéopathique à travers d'autres pays européens tels que la France, la Belgique, la Suisse, l'Italie, l'Espagne et le Portugal.
Elle représente une évolution majeure dans les techniques ostéopathiques, remettant en question les manoeuvres structurelles musclées, communément qualifiées de "cracking", associées à l'approche de Still.
Au début du 20ème siècle, Sutherland, un élève de Still, fait une découverte fondamentale en étudiant la structure précise des os crâniens et en affinant sa perception manuelle. Il identifie l'existence d'un micro mouvement ondulatoire, distinct des rythmes cardiaque et respiratoire, qui anime toutes les structures, aussi bien osseuses que tissulaires. Cette observation constitue une redécouverte du Mouvement Respiratoire Primaire (MRP), jetant les bases de l'ostéopathie crânienne et des techniques fluidiques.
L'enseignement de Sutherland a considérablement transformé les techniques ostéopathiques de Still, en offrant aux praticiens une capacité d'analyse accrue des micro-mouvements et en introduisant une forme de traitement appréciée par les patients pour sa douceur et son innocuité, bien loin des méthodes forcées précédentes.
Au milieu du 20e siècle, Maurice Poyet, alors infirmier, fut exposé aux médecines orientales lors de son service pendant la guerre d'Indochine. Ces pratiques lui ont ouvert les yeux sur une approche alternative, moins mécaniste et davantage centrée sur l'énergie de l'individu. Cette nouvelle perspective a profondément influencé sa compréhension de l'ostéopathie, se traduisant par une approche plus globale et moins invasive. Poyet préconisait une manipulation légère et délicate, comparant la main du praticien à l'aile d'un papillon. Ses travaux ont révolutionné l'ostéopathie en introduisant des techniques rapides, douces, efficaces et sûres.
À partir de la fin du 20ème siècle, Pierre-Camille Vernet, chercheur et précurseur des techniques de somatopathie, a continué à développer les techniques initiées par Poyet en intégrant la parole aux gestes correctifs. Fort d'une longue expérience clinique, il a identifié les blocages physiques et les a associés à certaines émotions non résolues, introduisant ainsi la notion de mémoires corporelles liées aux émotions. Ces approches, basées sur la psychosomatique, englobent l'ensemble du corps, y compris le crâne, les membres, les mains et les pieds. Elles combinent également des gestes correctifs avec une analyse verbale visant à comprendre et à résoudre l'origine des blocages, qu'ils soient ancrés dans l'histoire personnelle de l'individu ou dans son histoire familiale. Les découvertes de Vernet ont conduit au développement de techniques novatrices pour libérer ces mémoires et les blocages qui y sont associés. Tout en tirant parti de son travail avec Poyet, Pierre-Camille Vernet a conservé et appliqué les techniques légères caractéristiques des gestes correctifs. Au tournant du siècle, il a fondé l'école de somatopathie, d'abord en Bretagne puis en Ardèche.